Gazou

Epoque de primaire.. Ensemble de souvenirs confus ou incomplets. Le tout dans le désordre chronologique.

***

Groupe de parents tenant leurs enfants par la main. Elle leva les yeux vers sa mère, inquiète. Angoissée, même. On n'allait pas l'oublier, hein ? Hein ?
Ah, non, Son nom venait d'être dit. Elle s'avança vers la dame, les joues rouges, hésitante.

***

Premier jour de classe, et elle ne savait pas où elle était. Elle était dans les couloirs, toute seule, l'angoisse étreignant son coeur qui battait à tout rompre. Elle avait déserté sa prétendue classe en cours de route. Il devait y avoir eu erreur. Pourquoi ne l'avait-on pas mise avec E ? Elle voulait être avec E. Sans E, que deviendrait-elle ? Elle avait toujours été avec E. Là, c'était cette classe. Elle ouvrit la porte, et s'installa à côté de E, rayonnante. Mais la maîtresse lui parla soudain : ce n'était pas son prénom qui était inscrit sur la table, mais celui d'un garçon. Pourquoi ce garçon avait-il le droit de s'asseoir avec E, et pas elle ?
Elle se leva, assaillie par la honte et le désespoir, les larmes aux yeux, et sortit.

***

Tirant la langue, concentrée, elle découpait des pères noël... pas facile. Odeur de colle, ambiance studieuse, brouahah en fond.

***

Escaliers dévalés joyeusement, des gants bariolés dans les mains. La fillette, 6ans peut-être, courrait derrière un garçon aux cheveux châtains foncés, au doux sourire. Elle menaça de le faire mourir avec ses gants, riant à en perdre le souffle.

***

Elle regardait le même garçon de loin, rire avec ses copains. maussade, les mains derrière le dos. Tout le monde la laissait seule.

***

S'invente un nouveau jeu : compter les petits cailloux dans les dalles. N'arrive jamais à la fin de la dalle, ça sonne toujours avant. Au moins, elle ne s'ennuie plus.

***

Un "grand" et ses amis l'entourent, la dépassant bien de deux têtes. Ils parlent, elle baisse les yeux et leur tend son goûter, retenant ses larmes. Elle court ensuite pleurer dans les bras de son frère.

***

Elle tendit une pièce de un franc à son maître, en bafouillant un "Pour vous maître ! Papa m'a dit que les maîtres ont pas beaucoup d'argent.."

***

"Alors c'est qui que tu aimes ?"
"Tu le diras à personne, hein ?"
"Promis juré craché !"
Secret chuchoté. E partit en courant, hilare.
Toute l'école fut vite au courant. Sentiment de trahison.

***

Elle regardait une fille chinoise dans la cour avec un sac de bonbons. Elle était toute seule, et n'osait pas aller en demander, mais tout le monde le faisait. Et la fille avait l'air gentille, elle riait et en donnait.
Elle s'approcha, et tendit sa petite menotte. "Je peux en avoir aussi s'il te plaît ?"

***

Elle serrait dans ses bras son amie deux fois plus grande qu'elle, en l'appelant "maman", débordant d'affection...

***

Ele était recroquevillée contre le mur froid, dans l'obscurité du préau de la cour, courbant la tête sous les insultes du groupe de filles qui étaient hier ses amies. Elle se répétait sans fin qu'elle ne pleurerait pas, même si elle savait qu'à la première larme, elles disparaitraient. Mais elle finit par croire ce qu'on lui dit, que tout le monde la détestait, et elle éclata en sanglots. Se retrouvant seule.

***

La fille l'attrapa par le bras. Terrorisée, elle crut qu'on allait encore la menacer de la poursuivre pour l'éternité. Mais non.
"C'est E qui nous oblige, mais nous on t'aime bien. Ne crois pas ce qu'on te dit, personne ne te frappera.."
Elle hocha de la tête, une boule dans la gorge. Mais pour la première fois, elle se sentait enfin libre. Heureuse. Triomphante. Et surtout soulagée. On ne la détestait pas.

***

Elle jouait aux diables et aux anges avec S sous les arbres en fleurs, le coeur léger, pleine de rêves et d'imagination. Elles en oublièrent d'aller manger.

***

"Et si on écrivait un livre ? Après on deviendrait célèbres, et puis on serait riches et on fera tout ce qu'on veut !" dit-elle avec enthousiasme à son amie C.
Tous les jours, elles se retrouvèrent dans la cour pour écrire une histoire bourrée de fautes, à propos de requins et de chevaux qui cherchaient une terre idyllique...

***

"Quand elle partira, je serai la fille la plus heureuse du monde !" cria-t-elle entre deux sanglots, à une amie dans les toilettes roses.
E entre, l'air furieuse."Ah oui ? Tu crois vraiment que quand je serai partie tu seras tranquille ? Pauvre conne ! Elles vont continuer à te harceler pour moi !"

***

Joue à l'élastique toute seule. C'est pas drôle, toute seule. mais personne ne veut jouer avec elle.

***

Elle avait appris sa leçon d'orthographe sur le bout des doigts, comme toujours. Mais le maître ne voulait jamais l'interroger. Il voulait interroger ceux qui ne savaient pas. Alors, elle baissa la tête d'un air penaud au lieu de lever le doigt, et il l'interrogea. Elle releva la tête, avec un sourire lumineux, et déclama sa leçon comme une mitraillette.
"Coquine, va." répondit le maître amusé.
Ravie, elle se contenta de rire en rougissant. Elle avait réussi.