Souvenirs - 3
--> Toujours la primaire, mais hors des murs...
Il n'y a pas que l'école, dans l'enfance. Je vais essayer de rassembler les autres souvenirs, qui, bien que plus difficiles à saisir et à reconstituer, sont plus chers à mon coeur que ceux enfermés dans les murs blancs que je n'aimais pas...
Toujours dans le désordre chronologique. J'écris les souvenirs dans l'ordre où il me reviennent. Généralement, je suis incapable de me rappeler l'année précise.
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"Tu sais pourquoi il faut que tu ranges bien tes chaussures ? Elles vont être tristes si tu ne les ranges pas bien..."
Elle ne voulait rendre triste personne, pas même des chaussures. Depuis, elle fut prise d'une manie de rangement. Ranger, ranger, nettoyer, aligner, parler aux objets pour qu'ils soient heureux. Elle ne supportait pas l'idée, en allant dormir, que l'on pouvait être triste à cause d'elle. Alors parfois elle posait un objet sur un coussin, lui parlait...
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Slovénie, dans le petit couloir d'entrée de la maison en pierre. Il faisait beau dehors, c'en était éblouissant. Mais la petite fille, avec un sérieux mortel, alignait soigneusement les chaussures contre le mur. "Comme quand on gare les voitures" avait dit son père. Donc parfois un "vroum vroum" lui échappait.
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Personne n'était à la maison. Elle jouait seule, ravie et enthousiaste comme si elle découvrait un nouveau monde. Elle avait amené le fratras de ses petits jouets dans le salon silencieux. Parfois elle les amenait aussi dans le bain, et pouvait y rester des heures à leur inventer des aventures dans la mer, avec toujours des histoires étranges d'aventures, de loyauté, de jalousie, d'amitié et d'amour impossible.
Mais là, c'était le salon. Les plantes étaient devenues d'abord la forêt tropicale, puis un monde incroyable où des plantes géantes avaient pris le contrôle. A l'aide de fils, les petits bonshommes devaient escalader, mais n'allaient plus plus haut que la portée de la fillette. Mais vite, son attention s'était détournée des plantes, et les petits bonshommes furent éparpillés partout dans le salon, escaladant des étagères, faisant les détectives à côté des dictionnaires de slovène...
Depuis combien de temps jouait-elle ? Impossible de le dire, son imagination ne faisait que s'enfler, et elle parlait, hurlait, chantait seule à tue-tête, jouant tous les personnages les uns après les autres.
Elle s'arrêta, levant les yeux. Tout là-haut, des poupées russes. Ses yeux se mirent à briller d'envie, et, alors, comme ses petits bonshommes, elle escalada l'armoire, tremblant d'excitation à sa propre audace. L'armoire tremblait un peu. Mais elle réussit, et descendit avec son trophée. Une immense poupée russe, faisant la moitié de sa taille. Elle rit tout haut, et cala l'objet dans ses bras, dévissant le premier. Bientôt, elle fut entièrement démontée, et la fillette inventa toute une histoire de famille, resortant ce qu'elle avait pu voir dans les livres, et ce que son imagination lui dictait. L'odeur de bois et de poussière la grisait.
Quand ses parents rentrèrent, elle n'avait rien rangé... Le salon semblait avoir connu une tornade...
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Elle n'aimait pas cette barbie. Elle était moche par rapport aux autres. Dans les histoires qu'elle inventait, la petite fille en faisait toujours la méchante, celle que personne n'aimait.
Elle prit entre ses petites menottes ses ciseaux vert fluo, et les approcha des cheveux de la vilaine avec un sourire mauvais mais hésitant. En silence, elle lui coupa d'abord les cheveux en coupe carrée. Puis, elle lui rasa tout à fait la tête. Qu'elle était laide...
Elle lui retira ses vêtements, et lui arracha les bras. Puis, la regarda de haut avec un souvenir triomphant.
Mais aussitôt, les regrets, la terreur, les remords l'envahirent. La poupée semblait soudain diabolique et misérable à la fois, la regardant avec des yeux qui disaient "Pourquoi ?". Comme elle-même quand la bande à E l'insultait...
Son sourire disparut. Comment avait-elle pu faire ça ? Elle n'était pas une méchante, elle ne faisait pas de mal aux gens, ni aux objets, ni rien...
Elle lui remit ses bras, étouffée par l'angoisse, arrivant à peine à respirer. Mais pour les cheveux, rien à faire. Des larmes chaudes se mirent à couler de ses yeux. Cette nuit-là, elle ne put dormir. Elle avait caché la barbie sous son lit, pour ne plus voir son regard accusateur. Mais elle avait l'impression que ce regard la brûlait à travers le matelas. Elle imaginait la poupée prendre vie, sortir du lit et venir se venger en lui faisant la même chose.
Elle pleura dans son lit.
Le lendemain, elle jetait la barbie, très loin, après s'être excusée mille fois. Elle avait l'impression d'être une criminelle qui cachait un cadavre, pour oublier son crime. Mais elle n'avait pas le courage de garder la poupée auprès d'elle pour essayer de la rendre heureuse.
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Elle était assise par terre, en tailleur, devant la télé. Elle pleurait presque, essayant de dire au petit oiseau de ne pas entrer dans la cage... (Le Roi et l'oiseau)
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Assise sur les genoux de son père, elle lui avait posé une question. Et enchaînait avec des "Pourquoi ?" à chaque début d'explication, ravie de voir son père se débattre pour répondre, et essayant de deviner quand il cèderait en disant "je sais pas", ou "demande à ta mère"
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Avec ses ciseaux vert fluo, elle s'était mise en tête de tondre toute l'herbe entourant la maison, en Slovénie. Elle avait à peine fait un carré, qu'on l'appelait à table. Elle fourra ses ciseaux dans la poche de son short noir, et se mit à courir vers la maison, dévalant la pente avec la couverture dépliée derrière elle, tenue par ses deux mains.
"Je voooooole ! regarde maman, je vole ! je suis un oiseau !"
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Serieuse comme un pape, elle empilait dans ses bras des livres, à la bibliothèque du quartier. Elle voulait tout lire, tout. Quand elle sera toute vieille, avant de mourir, elle aurait tout lu ce qu'il y a dans le monde.
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Elle lisait un livre dans cette même bibliothèque.
"Est-ce que tu peux m'aider et me corriger ma dissertation ?"
Elle leva les yeux, c'était une grande, qu'elle ne connaissait pas. Qui lui tendait une feuille. Rougissant de timidité, elle bafouilla un "oui", et prit la feuille, réfléchissant. Pourquoi elle ? Parce qu'elle lisait et avait des lunettes ? Ca voulait dire qu'elle était intelligente ?
Mais, passionnée, elle se mit à corriger joyeusement. C'était comme un puzzle, corriger. Tout était si évident. A l'école, elle corrigeait même ses maîtres et maîtresses.
Elle lui rendit la feuille, bien raturée. Non seulement elle avait retiré toutes les fautes, mais elle avait amélioré la syntaxe.
Très fière, elle sortit de la bibliothèque en trottinant, son gros sac de livres à la main. Elle avait hâte de rentrer à la maison et lire, lire, lire pendant des heures et des heures.
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Une main se posa sur sa tête; la caressant. Elle sursauta, levant la tête. C'était une vieille, qui lui souriait. "Tu as des cheveux très doux."
Elle marmonna un merci, et prit la main de sa camarade, accélérant le pas.
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Elle tomba sans crier, et son genou s'ouvrit, répandant des flots de sang. Sur les petits cailloux pointus, elle se mit à pleurer tout haut, jusqu'à ce que la dame la relève. Même les vaches semblaient la regarder avec inquiétude. Pleurant sans s'arrêter, elle essuyait les larmes chaudes avec ses poings. Son genou la piquait, lui faisait mal. Elle avait jamais eu autant mal. Le sang coulait, coulait, coulait.
la dame appliqua une plante dessus, en disant que ça lui ferait du bien. Mais elle continuait de pleurer et de renifler, en lui tenant la main, en rentrant à la ferme.
Une fois arrivée, elle retira sa botte. L'équivalent d'un bon bol de sang s'en écoula.
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Elle cueillait des fraises immenses, respirant leur odeur alléchante. Elle cria soudain.
"Une araignée ! Une grosse araignée !"
L'autre fille se mit à crier aussi. La dame leur dit qu'elles ne mangeraient pas de grosses bêtes comme elles. Mais la fillette en doutait.
Elle n'avait plus envie de manger des fraises, d'un coup.
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"J'aime pas la crème... on dirait de la peau, beurk" dit-elle, en donnant la crème à la dame.
"C'est parce que c'est du vrai lait de vraie vache.."
"Ca veut dire que dans les magasins, ils enlèvent la peau du lait ? et ils en font quoi ?"
"Du fromage.." répondit-elle avec un sourire.
"Beuuuuuurk !"
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Elle observait le salon. La dame était sortie avec les moutons, elle était toute seule. Il y avait un trophée en or sur la vieille télé. Un trophée pour quoi ? Elle essayait de lire, mais n'y arrivait pas, c'étaient des mots trop compliqués.
Il y avait un écureuil empaillé, aux yeux vides. Elle resta plantée à échanger un regard avec lui, pendant des heures, le caressant parfois craintivement, jusqu'à ce que le dame revienne.
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"Esclaaaaaaaave !" criait-elle en fouettant son frère avec une serviette, lui sautant dessus, riant à en perdre le souffle.
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"C'est le gros dégueulaaaasseuuuuuh" chantait-elle avec son frère, en dansant comme un canard devant leurs parents, montrant parfois leurs fesses en riant.
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C'était le premier avril. Elle et son frère avaient passé la veille à découper des poissons en papier, avec des mots stupides écrits dessus. Ils avaient aussi découpé tout le PQ en poissons, et leurs parents, blasés, passèrent la journée à décoller de leurs dos des longues bandes de PQ en forme de poissons...
Son frère et elle courraient partout en s'en collant sur tout le corps, rivalisant de blagues stupides...
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Son frère et ses copains se filmaient, jouant au journal télévisé. L'ami de son frère, sur le fauteuil, faisait PPDA.
"Chirac a raté son nouvel essai nucléaire, et la bombe lui est tombée dessus.. Et, ah d'ailleurs le voici"
dit-il en montrant du doigt le chat, qui se contenta de cligner des yeux d'un air digne.
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"Tu sais ce que c'est ? C'est des serviettes hygiéniques !"
.. dit son frère en lui montrant.. des disques démaquillant de coton...
Croyant tout ce que son frère lui disait, à la lettre, elle ricana avec dégoût.
"Beuuuuuuuuuurk !"
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Elle s'appliquait, un bout de langue sorti, à étaler sur ses ongles de doigts de pieds du vernis à ongles rouge. Elle aimait bien l'odeur. Ce soir il y avait boum.
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Slovénie. Ils étaient arrivés en voiture chez les amis de ses parents, et elle boudait, elle voulait pas. Elle était sortie cinq secondes, mais avait vu "Broutal" (Brutal) comme elle l'appelait. Elle l'aimait pas, il faisait peur, à la serrer dans ses bras à lui en briser les os. Et puis ses bisoux piquaient.
Elle resta dans la voiture, les bras croisés, une moue boudeuse sur les lèvres, secouant la tête avec obstination quand chacun leur tour, tous les membres de la famille venaient essayer de la convaincre, presque en la suppliant. Sa mère était venue lui donner une pomme, pour qu'elle mange.
mais son cousin Miro, qui était très grand avec des cheveux bouclés tout fous, vint à son tour, et elle accepta tout de suite de sortir, si il promettait de la protéger de Broutal (qui était son père, tout de même). Perchée sur ses épaules, elle arriva triomphante, acclamée par toute la famille. Là, ses mains plongées dans les cheveux de son cousin, toute fière et regardant tout le monde de haut, elle se sentait comme une reine.
Son autre cousin était au piano et chantait.
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Son frère faisait le fier, pendant la randonnée. Ils montaient une pente, et elle monta sur son dos, comme il insistait. Ravie, elle battait des talons comme pour un cheval, riant, et criant "Porc-épic ! Porc-épic !", en référence à sa grande touffe de cheveux à laquelle elle s'accrochait.
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A chaque fois que les copains de son frère venaient, elle essayait de s'incruster dans la chambre, mais toujours son frère finissait par la jeter dehors. Pas juste. Elle aussi elle voulait jouer, ou au moins regarder.
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Elle faisait à la chaîne des dessins de maison, avec une plante ou un arbre à côté, et puis toujours le soleil, la cheminée qui fume, et l'arc en ciel immense.
A chaque fois qu'elle en finissait un, et courrait voir sa mère, le lui tendant avec un sourire ravi. "C'est beau, hein ? Hein maman, dis ?"
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Elle fit la technique des grands yeux pleins de larmes en pointant les tictac du doigt, à la caisse. Gagné, sa mère craqua et les lui offrit.
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Sa mère prenait sa douche. Son père n'était pas là. Son frère regardait la télé. Le coeur battant, elle se faufila dans la chambre de sa mère. Il fallait faire vite, sa mère se lavait toujours vite. Elle ouvrit le sac, en tira une pièce de dix francs, le referma, et sortit sur la pointe des pieds, son butin dans ses mains. Demain, elle s'achèterait des bonbons, et elle aussi, elle pourrait en donner à S, au lieu de toujours lui en demander.
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Elle marchait, dans le village. Et trouva quinze francs par terre. Ses parents la félicitèrent. Son frère fut jaloux.
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Elle trouva une pièce de dix francs dans la cour. La fille qui était alors son amie (j'ai oublié son nom), fut jalouse de sa chance, et retourna toute la cour pour en trouver elle aussi, en vain. La fillette fut très fière. Pour une fois qu'elle avait quelque chose de mieux que les autres.
(ce souvenir est dans les murs de l'école, certes, mais tant pis)
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Les animateurs voulaient faire un jeu, mais elle n'avait pas compris quoi. L'un deux voulut lui faire quitter sa chaise. Elle se cramponna dessus, criant "Don !" (c'est à dire "non"). L'animateur la souveva, et têtue, elle ne lâcha pas prise.
"Elle tient sa chaise !" rit l'homme.
L'animateur asiatque dut venir la convaincre en lui expliquant le principe des chaises musicales.
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Elle regardait ce même moniteur asiatique en rougissant.
"Elle est amoureuuuuuseuuuuh" chantonnèrent les autres enfants. Elle devint éclarlate, et secoua la tête.
"Même pas vrai !"
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Le jeu était de détacher le moniteur asiatique, tout en évitant l'autre moniteur. Elle réussit, et eut droit à un bisou du moniteur asiatique, elle fut aux anges.
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Le train démarrait. Elle regardait le quai avec sa mère disparaître, sans comprendre. Pourquoi sa mère venait pas avec elle ? Elle se mit à sucer son pouce, les yeux pleins de larmes...
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C'était son anniversaire. Elle avait eu le courage d'inviter F, le garçon qu'elle aimait. Ainsi que T, un autre garçon, pour ne pas que cela se remarque trop. Mais les deux garçons restaient avec son frère, jouant à "doom". Elle regardait F de loin, en soupirant, essayant de rire normalement avec ses amies.
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Elle faisait de la GRS, mais n'arrivait pas à retenir les enchaînements. Alors elle improvisait. Elle aimait beaucoup son long ruban. C'est comme si elle était un ange. Promis, elle l'amènerait à l'école pour le montrer à S. Elles pourraient encore mieux jouer aux diables et aux anges.
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Elle commençait la chorale, mais n'aimait chanter que en groupe. Toute seule, elle était trop timide.
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Elle sortait de chez elle pour aller à l'école, et se figea. F marchait devant, avec sa mère. Elle ralentit le pas pour ne pas se faire voir, mais un aveugle devant se cogna contre une poubelle. F et sa mère se retournèrent, et la virent.
"Bonjour ! Tu vas à l'école toute seule, ma chérie ? Viens avec nous !"
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Elle vit F de loin, et partit en courant pour qu'il ne la voie pas.
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Elle regardait "Ca", le film avec le clown, en mangeant des gateaux avec plein d'amies.
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Deux garçons s'approchèrent, alors qu'elle rêvait seule dans la cour.
"T, il est amoureux de toi."
Elle les regarda. Ils devaient se moquer d'elle, parce qu'elle avait pas d'amies, qu'elle était toute seule et pas belle. Elle fit juste non de la tête, avant de retourner dans ses rêveries.
(J'avais oublié ce souvenir.. ça se passait aussi entre les murs de l'école, bien sûr)
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Elle fouillait dans son jardin, déterrant les cloportes. elle s'amusait à les prendre dans ses mains, à leur parler. Leurs petites pattes chatouillaient ! Elle riait seule, ravie. C'était mignon, les cloportes.
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Voilà qui est fait, je modifierai si je me rappelle d'autres trucs...
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elfiane
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Comme je te l'ai dit, moi aussi j'ai coupé les cheveux de mes barbies. Il y en a même une pour laquelle j'ai utilisé de la peinture poor lui teindre les cheveux... certains de ces souvenirs sont marrants, en tout cas ^^
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à 13:31